Conte de Fée sur Parking
La Nouvelle Gazette de St Georges de Montclard
Didascalies :
Extérieur jour. Soleil. Vent aigre.
Cabriolet jaune un peu cabossé sur parking.
Un client.
Deux flics.
Quelques joyeux fêtards de Réveillon.
Le client sort de l’hôpital après une intervention bénigne au g’nou. Il boite et perd ses plumes ; sa marche reste douloureuse. Devant le supermercado, il se gare sans vergogne sur la place pour handicapés. Il est rare que la maréchaussée locale se risque à verbaliser la clientèle du commerce local.
Invité à réveillonner dans les beaux quartiers, il vient acheter quelques boites de « praline di ciocolato extra con ciliegia e liquore… » ou « bombones de chocolate negro con cereza y licor » qui réalisent selon l’emballage « l'union harmonieuse du chocolat noir croquant, de la chaleur de l'alcool et de la tendresse de la cerise, procurant des sensations riches et intenses semblables à celles d'une relation affective. »
On a reconnu les célèbres Mon Chéri de Ferrero, l’inventeur du Nutella.*
Pour les fêtes, l’emballage rouge a le look d’une petite boite à parfums cubique, adornée d’un ruban fleuri, contenant huit pralines. Charmant. Irrésistible. Cri de femmes. Il achète quatre boites, les dernières du rayon, une pour chacune des invitées. Il pose sur le siège passager celle qu’il destine à la belle hôtesse, pour la lui remettre dès son arrivée. Il a oublié les bougies d’ambiance. Il repart dans le magasin.
Quand il ressort. Le choc. Voiture bleue à rampe clignotante en travers. Deux policiers municipaux massifs rôdent autour de sa voiture, L’un tient un carnet noir entr’ouvert et l’autre chuchote dans un inquiétant talkie-walkie noir. Il s’élance en boitant aussi bas que possible, agitant sa canne comme un sémaphore. Les pandores se figent sans aménité. Il gémit :
- Je sors de l’hôpital…
- … oui, mais vous n’avez pas le macaron handicapé …
Pathétique, il agite à nouveau la canne !
- Le dossier est en cours, c’est long…
Et surtout c’est pas vrai.
-… et vous avez laissé votre vitre ouverte… avec un cadeau sur le siège… on aurait pu vous le voler…
Lui, ex-repris de justesse retient de justice le dangereux et mensonger : « J’ai confiance en la police de ma ville… »
- qui aurait déclenché un éclat de rire suspect…
-
Le fonctionnaire municipal regarde à nouveau lourdement la décapotable jaune canari, la capote mouchetée de merdes de pigeons, les multiples cabossages, le « cadeau » - possiblement un parfum ou un bijou volé… les journaux en vrac, le recueil de mots croisés, la bouteille d’eau, le sopalin, le blouson et les casiers sur le siège arrière… le bonhomme déguisé en vieux marin… - ça pue le contrôle complet… et la fouille de la malle arrière…
Porca miséria ! Réveillon en garde à vue !
Mais miracle de Noël et sauvé par le gong ! Son comparse reçoit l’avis que la voiture n’est pas volée… un bon point pour le client… - et leurs courses à faire… le carnet se referme vierge.
- Bon ça va allez-y attention à vos vitres et garez-vous correctement…
- Merci messieurs, bonnes fêtes…
Ils disparaissent d’un pas lourd dans le magasin - où ils vont badiner avec la gérante qui est accorte. Je pourrais dénoncer incontinent cette faute professionnelle grave, mais je ne suis pas chien.
Au contraire, reconnaissant, je vais déposer délicatement sur leur pare-brise la boite de Mon Chéri, calée sur un essuie-glace.
Et j’imagine l’émotion de ces brutes mal-aimées, une fois vérifié qu’il ne s’agissait pas d’un colis piégé ; et les grosses larmes coulant sur leurs visages burinés…
Bon là tu en fais trop.
A la fin du réveillon, à l’instant émouvant de la remise des petits cadeaux aux joyeuses fêtardes, il en manquait un ! Je n’ai pas osé avouer que je l’avais offert à des flics.
Personne ne m’aurait cru…
* http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferrero
Source : http://www.perepeinard.fr/article-conte-de-fee-sur-un-parking-114059882-comments.html